L’évolution dans l’œuvre de Paul Rouillier

L’oeuvre de Paul Rouillier se caractérise, par son extrême diversité de forme, et paradoxalement par sa forte cohérence de fond. Elle est le reflet à la fois du personnage et des circonstances dans lesquels il a pu exercer son art.
Paul Rouillier est un homme solide, responsable, cartésien, et en même temps ouvert au monde, profondément angoissé et envahi par ses passions et émotions. Son oeuvre, comme sa vie seront un perpétuel conflit entre ces éléments antagonistes de sa personnalité. Elle évoluera entre une profonde rigueur, une théorisation extrême, un refus de l'émotionnel, et une fantaisie débridée. Entre un besoin de sécurisation, de garde-fous, et celui de s'exprimer et de vivre ses passions.
Son travail de jeune peintre (entre les années 1930 et 1947) laisse éclater sa sensibilité, non sans une certaine retenue. Joie des couleurs, dynamisme des formes, mais aussi besoin de se rattacher à un courrant théorique, à des règles définies. Sa production de l'époque le situe dans le courrant cubiste et reste encore empreinte de son admiration pour les maîtres de l'époque.

 

Lorsqu'il reprend la peinture en 1972 après une longue interruption (voir biographie) la rigueur s'impose tout d'abord. Sous l'influence de Rothko, Barnett Newman, ... son travail évolue vers le « Minimalisme » puisqu'il il supprime progressivement formes et couleurs pour ne conserver que le rapport des formes et le mouvement.


"Je cherche à créer l'émotion avec le minimum d'éléments possibles"
"Ce qui est important ce n'est pas le peintre mais son oeuvre, ou plutôt l’idée qui préside à son oeuvre"


Mais cette approche "minimale" ne peut pas le sécuriser plus longtemps. À force de supprimer, renoncer, il se retrouve face à sa toile devant un vide qui l'angoisse encore plus.

IL découvre la "création assistée par ordinateur", avec les informaticiens del'A.R.T.A. du centre Georges Pompidou, qui lui fournit des "croquis générateurs pour son travail. Il peint la série de toiles intitulées "ORDI" (1981-1984) .

Il reprend ses pinceaux et sous l'influence de ses fils, il s'ouvre à de nouvelles expériences. Sa position devient plus ouverte au monde, aux émotions. Il retrouve la joie de la couleur, de faire danser les formes, de se laisser aller à sa fantaisie.


"L'art est un échange, sans communication à l'autre il n'est qu'introspection"


Ce n'est que petit à petit, et surtout à partir de 1988 qu'il réussira à faire dans son oeuvre la synthèse de ces deux tendances antagonistes pour produire ses oeuvres les plus achevées, ou la simplicité, le mouvement, la couleur, s'harmonisent dans un structure solide. Significativement, c'est à partir de cette époque que ses toiles portent des noms de baptême : Montbassa, Les comédiens, Mutation, .....et qu'il va peindre à partir de thèmes : "La révolution", "Le parfum", "L'Europe unie", "L'écologie". Ce seront les toiles les plus abouties de son oeuvre. Enfin la rigueur de la construction se marie à la fantaisie des formes et des couleurs. Plus d'antagonisme, mais au contraire une synergie dans la recherche de l'évocation, dans la proposition d'une émotion, dans la démarche vers les autres.
IL va peindre jusqu’à 1994, période où trop affaiblit par la maladie, il range ses pinceaux.